Depuis dimanche soir, l'UDF se retrouve au centre du jeu politique. Avec 18 % des suffrages, François Bayrou a réussi son pari et envisage de transformer le vieux parti créé par Giscard en un nouveau Parti démocrate sur le modèle du Parti démocrate américain ou du tout nouveau Parti démocrate italien qui devrait réunir, sous la houlette de Romano Prodi les démocrates de gauche et les démocrates-chrétiens de la Margherita.
Le Parti Socialiste risque, à moyen terme, une scission. Il n'y aurait rien d'étonnant à ce que les sociaux-libéraux du PS, comme Jean-Marie Bockel, le maire de Mulhouse, Michel Rocard ou Bernard Kouchner rejoignent le Parti démocrate que Bayrou veut créer.
L'objectif de Bayrou est en réalité de détruire le Parti Socialiste et d'aboutir à une recomposition du champ politique à son profit. Avec l'aide des médias, il s'agit de convaincre une partie de l'opinion publique que l'ancrage de la gauche dans le mouvement ouvrier et dans le mouvement social est "archaïque" et que l'avenir est à un affrontement entre deux grands partis capitalistes, l'un conservateur (l'UMP) et l'autre "démocrate".
Le PS est clairement menacé par cette recomposition qui pourrait séduire une partie de son électorat. Face à ce danger, la réponse de Ségolène Royal est pour l'instant d'en appeler aux électeurs de Bayrou, en se montrant aux côtés de Jacques Delors, en laissant entendre qu'il pourrait y avoir des ministres centristes au gouvernement.
En laissant entendre qu'il ne voterait pas pour Nicolas Sarkozy et en acceptant un "débat" avec Ségolène Royal, François Bayrou pousse Ségolène Royal dans ses bras. Demain, pour battre Nicolas Sarkozy, la candidate du PS pourrait bel et bien être tentée par un renversement d'alliances et une formule d'alliance au centre avec le nouveau Parti démocrate. Les socialistes doivent se rendre compte de l'erreur qu'ils commettraient. L'avenir de la gauche ne se trouve pas au centre dans l'alliance avec un Parti démocrate pro-capitaliste.
En votant utile dimanche, les électeurs ont cru assurer la qualification de la gauche au second tour. Ségolène Royal, alliée avec l'UDF, risque maintenant d'appliquer une politique de droite. Quel paradoxe !
Nous l'avions dit durant la campagne, le vote utile à gauche, c'était le vote communiste. Toutes ces manoeuvres du PS et de l'UDF ne font que confirmer nos craintes : sans un parti communiste puissant à ses côtés, le PS lorgne vers le centre droit ! Aux législatives, les électeurs sauront s'en souvenir...