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Le blog de David Noël, militant communiste, syndicaliste et défenseur des droits de l'homme du Pas-de-Calais

Le blog de David Noël, militant communiste, syndicaliste et défenseur des droits de l'homme du Pas-de-Calais

Ce blog politique est animé par David Noël, militant communiste, syndicaliste enseignant, défenseur des droits de l'homme et ancien adjoint au maire, conseiller communautaire et conseiller municipal PCF d'Hénin-Beaumont.


Révolutionnaires du Front Populaire

Publié par David NOËL sur 13 Septembre 2008, 05:37am

Catégories : #Notes de lecture

Paru en 1973 aux Editions 10/18, Révolutionnaires du Front Populaire est un recueil de textes rassemblé par Jean-Pierre Rioux, historien à l'université de Paris X Nanterre. 5 ans après mai 1968, Jean-Pierre Rioux s'est interrogé sur l'action des minorités révolutionnaires à l'époque du Front Populaire.

Anarchistes de l'Union Anarchiste, syndicalistes-révolutionnaires de la CGT-SR ou du groupe de La Révolution Prolétarienne, la revue de Pierre Monatte, Gauche Révolutionnaire de la SFIO ou militants trotskystes organisés en tendance à la SFIO avant d'en être exclus et de fonder les premiers partis trotskystes, les minorités révolutionnaires accueillent avec circonspection le Front Populaire.

En 3 parties et 62 textes - le plus souvent des tracts ou des articles de la presse  révolutionnaire - Jean-Pierre Rioux nous fait revivre les heures agitées du Front Populaire.

Dans une première partie, "Pour un front de classe" (janvier 1935 - avril 1936), Jean-Pierre Rioux nous propose 15 textes qui critiquent, chacun à leur manière, la constitution du Front Populaire. Les minorités révolutionnaires distinguent le "front de classe" des partis révolutionnaires pour la révolution socialiste et le Front Populaire qu'ils perçoivent comme un cartel électoral de partis réformistes.

La réunification de la CGT et de la CGTU, en 1935 est saluée par les minoritaires qui rêvent, à l'instar de Pierre Monatte, d'une CGT d'action et de lutte des classes : "L'unité est un mariage de deux directions, de deux bureaucraties plus ou moins revêches et rancies ; elle est aussi, elle est surtout le mariage des syndiqués confédérés et des syndiqués unitaires. Il n'y a pas tellement de différence entre eux. Ils sont capables de faire un mariage d'amour." écrit ainsi Monatte le 10 octobre 1935 dans La Révolution Prolétarienne.

A la SFIO, la direction lance l'offensive contre les trotskystes, qui contrôlent les Jeunesses Socialistes de la Seine et ont constitué la tendance "Bolchevik-léniniste" qui regroupe 1 500 adhérents fin 1935. Le 1er octobre 1935, 13 leaders trotskystes sont exclus par la Commission Administrative Permanente de la SFIO.
Marceau Pivert qui s'est détaché de Jean Zyromski et avait soutenu les exclus fonde une nouvelle tendance, la Gauche Révolutionnaire, le 30 septembre 1935 et mène le combat de l'intérieur pour doter la SFIO d'un programme révolutionnaire.

Les exclus polémiquent avec la Gauche Révolutionnaire et créent les premiers partis trotskystes, le Parti Communiste Internationaliste de Frank et Molinier et le Parti Ouvrier Révolutionnaire.

Dans une deuxième partie, "Révolution ?" (mai-juin 1936), Jean-Pierre Rioux propose 16 documents marqués par la vague de grèves de mai-juin 1936. Durant la première semaine de juin, plus de deux millions de grévistes cessent le travail, on compte 9 000 usines occupées dans la métallurgie, le textile, les industries alimentaires et les grands magasins où la syndicalisation était le plus souvent clandestine.

La SFIO et le Parti Communiste, soucieux de ne pas se couper des classes moyennes et du Parti Radical négocient les accords Matignon et appellent à la reprise du travail. Au cours des premières semaines de juin, une course de vitesse s'engage entre les directions de la SFIO et du PCF et les minorités révolutionnaires qui cherchent à étendre le mouvement. "Divisées, intervenant à contre-temps dans le reflux de la vague, incapables de remonter le courant, bâillonnées par le pouvoir ou habilement utilisées par lui, elles ne parviennent pas à canaliser à leur profit la sourde tendance au débordement de travailleurs qui veulent obtenir davantage du patronat, du syndicat et du gouvernement." explique ainsi Jean-Pierre Rioux.

Au Parti Communiste, André Ferrat qui s'était opposé avec le groupe Que faire ? au tournant "patriotique" du PCF comme au légalisme de Thorez et qui appelait à la poursuite des grèves est exclu sans avoir la possibilité de se défendre.

Dans la troisième et dernière partie du recueil, "Batailles perdues" (juillet 1936-décembre 1938), on voit au fil des 31 textes sélectionnés les minorités révolutionnaires s'opposer sur la question de l'intervention en Espagne.
La fusillade de Clichy, le 16 mars 1937, lors de laquelle 5 manifestants sont tués par la police au cours d'une contre-manifestation contre la tenue d'un meeting du P.S.F. marque une nouvelle étape dans la rupture entre les minorités révolutionnaires et le Front Populaire. "Huit milliards pour l'emprunt ; à Clichy 5 morts. L'argent de la bourgeoisie se paie avec le sang des ouvriers !" écrivent les Jeunesses Socialistes de la Seine, proches des trotskystes et de la Gauche Révolutionnaire.
La SFIO réagit comme elle l'avait fait en 1935 : 22 militants trotskystes sont exclus des Jeunesses Socialistes. L'Entente de la Seine est dissoute. La Gauche Révolutionnaire, qui n'est pas prête à la scission, soutient mollement les exclus.

Il faut attendre juin 1938 et la scission de la Gauche Révolutionnaire pour assister à un regroupement partiel des minorités révolutionnaires au sein du Parti Socialiste Ouvrier et Paysan (PSOP) de Marceau Pivert et Daniel Guérin. En réalité, seuls 6 000 des 30 000 sympathisants de la Gauche Révolutionnaire rejoignent le nouveau parti ; les autres préfèrent rester à la SFIO. Rapidement rejoint en février 1939 par les trotskystes du P.O.I., le PSOP est apparu trop tardivement pour peser sur le cours des événements.

Tandis que le Front Populaire agonise, la France redevient radicale. La grève générale du 30 novembre 1938 est un échec, malgré tous les efforts du PCF et de la CGT. La répression patronale est  féroce avec les grévistes :  le Ministère du Travail avouera 800 000 licenciements temporaires ou définitifs.

Surtout, les accords de Munich et la marche à la guerre accentuent les divisions des minorités révolutionnaires. A la veille de la Seconde Guerre Mondiale, le constat d'échec est sans appel pour les militants révolutionnaires qui rêvaient d'une révolution socialiste.

Jean-Pierre Rioux explique les raisons de l'échec dans une conclusion qui se termine par une interrogation : "Certes, par leur action intense, sinon coordonnée, [les minorités révolutionnaires] offrent à l'historien un témoignage irremplaçable, une sorte de négatif photographique de la combativité réelle des masses ouvrières. Thermomètre sensible mesurant le degré de fièvre révolutionnaire depuis 1935, assurément. Mais leur action n'est jamais motrice. Trop parisiennes dans leur recrutement, elles ne touchent guère la province industrielle, sauf épisodiquement dans le Nord et le Rhône. Trop crispées dans leur antistalinisme, elles effraient les nouveaux venus dans le combat révolutionnaire qui pensent pouvoir travailler efficacement au P.C. Trop pacifistes, à l'exception de Que faire ? et des trotskystes, désorientées par le drame du prolétariat espagnol, elles démobilisent leur vertu révolutionnaire. Trop divisées, devancées par l'événement, elles ne réussissent pas plus à entamer la cohésion du P.C. ou à radicaliser la social-démocratie qu'à bâtir à temps ce parti révolutionnaire dont les trotskystes auraient voulu devenir les fédérateurs. [...] Leur oscillation constante entre la critique de gauche du Front Populaire et l'opposition révolutionnaire qu'il importait de lui opposer, leurs nostalgies des révolutions passées, traduisent-elles une ambiguïté fondamentale du rôle révolutionnaire de la classe ouvrière prisonnière de la démocratie parlementaire et "trahie" par des appareils qu'après tout elle s'est donnée, ou simplement l'inconsistance inquiète de ses franges petites-bourgeoises en crise ?"

35 ans après la publication du livre de Jean-Pierre Rioux, la question reste posée.
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