
Les états-majors syndicaux ont une grande part de responsabilité. Bernard Thibault expliquait il y a quelques années : « on ne décrète pas une grève générale ». Certes. Mais le rôle des organisations syndicales n’est-il pas de donner des perspectives de luttes ? C’est bien le manque de perspectives qui a démobilisé les salariés. Manifester une énième fois : pour quoi faire ?
Dans le même temps où les états-majors syndicaux se réunissaient en célébrant leur unité, le patronat et le gouvernement n’ont pas cessé leurs attaques tous azimuts contre le monde du travail. Fermetures de sites de production, licenciements – baptisés «plans sociaux» –, chômage partiel, légalisation du « prêt » de salariés, attaques contre les acquis sociaux, etc.
A chaque fois, les réponses ont été en deçà des enjeux. La seule perspective des salariés est-elle de se battre pour des primes de licenciements ? Ne faudrait-il pas, plutôt, exiger que le patronat justifie les fermetures de sites, et se battre pour les empêcher ? Ces fermetures n’ont aucune justification économique, sauf de permettre aux grandes firmes de se redéployer au mieux de leurs intérêts : Alcatel-Lucent, Michelin, Renault, Goodyear, Caterpillar, Arcelor-Mittal, etc. Aucune de ces firmes internationales n’est au bord du dépôt de bilan ! Au contraire, elles continuent comme avant le déclenchement de la crise, à réaliser des profits boursiers grâce aux suppressions d'emplois et au redéploiement dans les pays « à faible coût de main d'œuvre ».
Au lieu de se battre au bon niveau, de dénoncer les visées du patronat et du gouvernement, les centrales syndicales accompagnent le mouvement de destruction du tissu industriel et productif. Seuls les salariés confrontés aux plans sociaux et aux fermetures dénoncent la grande arnaque du patronat.
Non seulement la crise permet de licencier à tour de bras, mais c’est l'État, donc nous les contribuables, qui paiera la facture. En tout état de cause, le patronat ne paie rien alors qu’il est le principal responsable de la faillite économique actuelle. L'indemnisation des chômeurs, le financement des tentatives de reprises, la dépollution des sites... : tout est pris en charge par l'État. Privatiser les bénéfices, socialiser les pertes ! C’est toujours le même credo…
Aujourd’hui, l'absence de réaction des centrales syndicales pousse les salariés au désespoir. Quand des ouvriers menacent de faire sauter leur usine, ce n’est pas parce qu’ils sont irresponsables, c’est parce qu’ils ne savent plus comment se battre. On en revient au syndicalisme d’action directe du début 20e siècle, qui laisse toute latitude au patronat et au gouvernement pour continuer la casse du monde du travail. Surtout lorsqu’il n’y a plus de force politique pour incarner ce monde du travail.
Les organisations syndicales, les partis politiques ont aujourd’hui une responsabilité immense. Il n’y a pas de formule miracle, il n’y a pas de solution toute prête. Mais la situation actuelle qui n’a rien d’inédit. Pendant la crise de 29 et à d’autres périodes dans l’histoire, le monde du travail durement attaqué a su, grâce à ses organisations, résister, se révolter, et reprendre l’initiative.
Nous sommes à un degré extrême de la crise du capitalisme. Le capital veut surmonter cette crise en broyant le monde du travail. Il faut des réponses à la hauteur des enjeux. Si une firme décide de fermer un site, rien n'interdit aux salariés de l'investir et de socialiser les outils de production. Quant à l'État, toujours si prompt à indemniser les patrons et à leurs faire des cadeaux sous forme d' « exonération de charges », il peut tout aussi bien financer les salariés. Cela coûterait moins cher à la collectivité de maintenir l'emploi que de laisser détruire petit à petit le tissu productif.
Mais cela implique une impulsion, un rapport de forces entre le capital et le monde du travail que les fermetures site par site ne permet pas. C'est donc le rôle des organisations syndicales et des politiques d'impulser ce mouvement en disant haut et fort que la crise n'est pas une fatalité mais une crise du système, que les salariés n'ont pas à attendre comme les moutons sous le couteau du boucher leurs licenciements, et que des solutions existent.
lettre n°37, juillet 2009