
Communistes : Comment s’est manifestée la présence du PCF à Avignon ?
Alain Hayot : Par deux débats, l’un au Théâtre des Halles « L’identité nationale peut-elle fonder un projet culturel ? » avec Valérie de St Do, Alain Foix, Thierry Fabre, Pierre Laurent, moi-même et une centaine de participants, et portant sur l’analyse du projet culturel sarkozyste et les moyens de s’y opposer ; l’autre au Cloître St-Louis « 50 ans après, quelle politique publique de la culture ? » avec Hortense Archambault, co-directrice du Festival, Jean Michel Gremiller (SYNDEAC), Yves Fravegas (SYNAVI), Marc Slyper (CGT-Spectacle) et presque 200 participants, sur l’avenir des politiques publiques de la culture ; par la projection du dernier film du Palestinien Elias Soleyman au cinéma Utopia ; des débats à l’invitation de l’ANECR, de la CCAS ou encore du SYNAVI auxquels j’ai participé ; la distribution de plusieurs milliers d’exemplaires de « CIGALE », un huit pages de « démocratie culturelle ». Bref cette présence communiste a confirmé une fois de plus les liens historiques qui unissent les communistes à ce festival et au delà à la création artistique et au spectacle vivant. Il faut ajouter la venue de Pierre Laurent, coordinateur national du PCF, deux jours durant lesquels il a participé à l’un des débats, salué au nom du PCF la veuve d’André Benedetto, vu quelques spectacles du In et du Off, rencontré longuement la direction du Festival et celle de la Maison Jean Vilar.
Communistes : La culture semble de plus en plus menacée ; comment cela s’est-il exprimé à Avignon ?
Alain Hayot : Une angoisse sourde en effet a traversé le Festival : plusieurs spectacles s’interrogent sur la violence du monde ; les artistes s’inquiètent pour leur avenir et se sont rassemblés en Assemblée générale dans la Cour d’honneur du Palais des Papes, où ils ont décidé des actions communes avec la volonté, nouvelle, d’y associer les élus locaux et les forces politiques. Il apparaît clairement que la culture est très lourdement menacée : par son instrumentalisation à des fins de profits sous toutes les formes de la marchandisation : industrie du divertissement, mise au service du tourisme ou de la « compétitivité des territoires » pour reprendre une expression de la Commission européenne ; par le développement d’une vision populiste, bien partagée à droite mais aussi parfois à gauche, qui suggère de répondre à la « demande » ou de se contenter de fabriquer du « lien social » ou bien encore de se mettre au service de logiques clientèlistes. Dans tous les cas, c’est l’existence même des politiques publiques de la culture, d’un service public original, un bien commun de l’humanité, qui est en cause.
Communistes : L’art et la politique : quoi de neuf ?
Alain Hayot : La culture pour les communistes, pour toutes les forces de gauche et de transformation sociale doit constituer un puissant enjeu d’émancipation humaine et de développement durable de la civilisation et de la planète. On oublie trop souvent que le sensible, l’esthétique et le symbolique, l’art en somme, est tout aussi indispensable à la compréhension du réel, à la formation des êtres humains, à la rencontre de l’autre et au vivre ensemble que les sciences et les technologies. L’art et la culture ont largement contribué dans l’histoire à donner le sens de l’action collective et la construction d’un destin commun à l’humanité. C’est pourquoi il existe un lien étroit entre projet politique et projet culturel ; ce lien c’est l’utopie, le souffle de l’idée révolutionnaire, celle qui manque à la gauche d’aujourd’hui pour penser le dépassement du capitalisme financier et productiviste mais aussi pour construire une société et une civilisation qui permettent au genre humain de se libérer progressivement de toutes les dominations et de toutes les aliénations.
Communistes : Faudrait-il conditionner le combat culturel à l’élaboration et la mise en oeuvre d’un tel projet ?
Alain Hayot : Non, et pour deux raisons essentielles : d’abord parce que la résistance est urgente contre toutes les formes de marchandisation de la culture, contre la régression de l’intervention publique, la RGPP, qui démantèle le ministère de la culture, contre tous les populismes qui sous estiment l’enjeu culturel ; ensuite parce qu’il est évident que le combat culturel nourrit l’ambition et l’élaboration d’un tel projet de transformation.
Pour cela il faut d’urgence inscrire cette résistance dans la construction collective d’une autre ambition pour la culture à travers un combat qui rassemble : celui d’un projet de loi d’orientation et de programmation qui définirait précisément cette nouvelle ambition pour l’art et la culture et les moyens nécessaires à sa réalisation.
Communistes : Le ministère de la Culture a 50 ans ; comment envisager aujourd’hui une politique culturelle ?
Alain Hayot : Il s’agit de repenser l’action publique à travers désormais une compétence partagée entre l’État, garant de la création et de l’égalité entre les territoires et les collectivités locales qui assument aujourd’hui l’essentiel du financement public de la culture ; il s’agit enfin de construire un service public novateur, non étatiste, décentralisé au plus près de territoires, des populations et des activités eux-mêmes. Service public indispensable au développement croisé de la création artistique, de l’appropriation par tous des arts et des cultures, par l’enseignement, les pratiques amateurs et professionnelles, et l’éducation populaire et par la promotion de la diversité culturelle qui doit permettre l’ouverture à l’autre, l’ouverture au monde, la rencontre et le métissage. Il est urgent de remettre la culture au coeur de nos combats émancipateurs.