Les 6 Mds€ annuels du crédit impôt recherche (CIR) ont fait l'objet d'un rapport du Sénat. Les conclusions étaient explosives. Mais... le rapport ne sera jamais rendu public.
Matthieu Pelloli | 10 Août 2015
Direction... la broyeuse à papier ! Le rapport de la sénatrice (PCF) Brigitte Gonthier-Maurin sur l'usage des 6 milliards par an du crédit impôt recherche ne verra jamais le jour.
Avant de partir en vacances, les membres de la commission d'enquête du Sénat (LR et UDI, mais aussi ceux du PS) ont décidé d'empêcher la publication des travaux de Brigitte Gonthier-Maurin. A droite, on redoutait trop de se mettre à dos toutes les entreprises qui bénéficient du dispositif. Et côté socialiste, depuis que le président de la République en personne avait rappelé que le CIR serait maintenu coûte que coûte, plus personne n'entendait trop y planter des banderilles. Quid, néanmoins, de ces 6 Mds€ d'argent public frappés par la loi du silence ? A quoi servent-ils ? Sont-ils bien utilisés ?
Déductions d'impôts pour favoriser l'innovation
Créé par la loi de finances de 1983, le CIR a explosé sous Nicolas Sarkozy en 2008, par une réforme qui a permis à davantage d'entreprises d'y accéder. Aujourd'hui, 20 000 sociétés bénéficient — sous forme de déduction d'impôt — de ce dispositif de soutien aux activités de recherche et développement (R&D), sans restriction de secteur ou de taille.
Mais de nombreuses critiques sont aussi adressées au CIR, qui fait chaque année de nouveaux adeptes. Il pourrait ainsi, selon certains experts, atteindre 9 Mds — dans les années à venir. Il y a deux ans, la Cour des comptes avait déjà tiré la sonnette d'alarme dans un rapport. Depuis, la situation s'est encore dégradée... Grâce au CIR, les entreprises privées françaises devaient multiplier par 3 ou 4 leurs dépenses de recherche et développement. Finalement, l'effet multiplicateur est bien moindre — à peine deux fois plus, selon Brigitte Gonthier-Maurin. Les créations d'emplois de chercheurs n'ont pas été au rendez-vous non plus.
Au final, le CIR prend même parfois des allures de niche fiscale pour les entrepreneurs... alors qu'à l'automne dernier des milliers de chercheurs du public criaient leur mal-être et défilaient à Paris pour réclamer plus de moyens. On comprend mieux pourquoi le sujet embarrasse tant... et la raison pour laquelle il a été jugé préférable de jeter dessus un voile pudique.
Légende photo : Créé en 1983, le crédit impôt recherche (CIR) a explosé sous l’ère Sarkozy, avant que François Hollande décide de maintenir le dispositif, qui permet aux entreprises de bénéficier tous les ans de 6Mds€ d’argent public. (LP/Olivier Corsan.)
Source : Le Parisien
Lundi 10 août 2015